La lutte contre le changement climatique dans l’aviation civile internationale s’effectue principalement par la réduction et la limitation des émissions de gaz à effet de serre. L’OACI propose pour cela un panier de mesures constitué de l’amélioration de la performance des opérations de navigation aérienne, la conception d’aéronefs moins émetteur, le développement des carburants alternatifs et la mise en place d’un mécanisme de compensation des émissions de CO2.
Les conséquences du transport aérien sur le climat
La 21ème conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) réunie à Paris en 2015 a fixé un objectif ambitieux de limitation de l’augmentation de la température mondiale en deçà de 2 °C par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle, et de poursuivre les efforts pour limiter cette augmentation à 1,5°C. Dans ce cadre, d’ici à 2050, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront avoir diminué d’au moins 50 % par rapport à leurs niveaux de 1990 et tous les secteurs de l’économie devraient contribuer à ces réductions des émissions, y compris le transport aérien international.
Le protocole de Kyoto, signé en 1997, a consacré la compétence de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) pour améliorer la performance environnementale du transport aérien international. C’est donc sous l’égide des Nations Unies que l’OACI œuvre à la mise en place de normes et de pratiques recommandées au niveau mondial.
Les émissions produites par le seul transport aérien représentent actuellement environ 2 % des émissions mondiales de CO2, soit l’équivalent d’un pays comme l’Allemagne, et augmentent de manière continue, sous l’effet de la croissance du trafic aérien mondial. Celui-ci connaît en effet une croissance moyenne de l’ordre de 5% par an.

- Emissions de gaz à effet de serre par le secteur de l’aviation civile
Crédits : OACI
Lors de la 38e Assemblée de l’Organisation en 2013, les Etats-membres ont fixé un objectif commun à l’ensemble des acteurs concernés : limiter les émissions de CO2 de l’aviation à leur niveau de 2020, en dépit de l’augmentation prévue du trafic aérien mondial. C’est l’objectif de Croissance Neutre en Carbone à partir de 2020, ou CNG 2020. Pour y parvenir, l’OACI a développé le concept de panier de mesures qui propose d’agir sur 4 leviers :
• des procédures opérationnelles de navigation aérienne conduisant à réduire la consommation de carburant,
• l’amélioration de la performance environnementale des aéronefs dès leur conception,
• le développement des biocarburants durables pour les aéronefs,
• la mise en place de mesures économiques fondées sur le marché (GMBM – Global Market-Based Measure)
En 2016, la 39e session de l’Assemblée a décidé dans sa résolution A39-3 (« Régime mondial de mesures basées sur le marché » ou MBM) de développer le Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA – Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation).
Le dernier triennat 2016-2019 a été marqué par une intense coordination de l’OACI avec d’autres institutions des Nations Unies, comme la CCNUCC, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Groupe de la gestion de l’environnement des Nations Unies (GGA) ou l’initiative Mobilité durable pour tous (SUM4ALL).
Amélioration des performances opérationnelles
Les opérations dans le domaine du transport aérien comprennent les manœuvres de l’avion, au sol comme en vol, les opérations aéroportuaires diverses, et le contrôle du trafic aérien. Optimiser ces opérations pour économiser la consommation de carburant est le moyen le plus simple de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les méthodes d’optimisation peuvent facilement être mises en place car elles ne demandent pas forcément l’utilisation de nouvelles technologies. Elles permettent en même temps de réduire les coûts liés aux carburants.

- Photographie de l’aéroport Paris - Charles De Gaulle
Crédits : Citizen59
Dans le Plan mondial pour la navigation aérienne (GANP – Global Air Navigation Plan), l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) offre un cadre de mesures, pour aider les régions et Etats qui le veulent à améliorer la capacité et l’efficacité de la navigation aérienne. La réduction des émissions peut être atteinte en appliquant notamment les procédures suivantes :
Rouler et voler en suivant des trajectoires économes en carburant
Opérer aux altitudes et vitesses les plus économiques
Maximiser le chargement des aéronefs
Mettre le minimum de carburant pour effectuer le vol en toute sécurité
Eviter les vols à perte
Maintenir la structure et les moteurs d’avion propres et efficaces.
Le programme européen SESAR (Single European Sky Air Traffic Management System) vise justement à améliorer la performance de la gestion du trafic aérien en Europe pour diminuer les coûts, réduire l’impact sur l’environnement, et augmenter la capacité de l’espace aérien.
Amélioration des performances techniques
Pour aller plus loin, l’Organisation impose des normes sur la construction de nouveaux aéronefs pour faire en sorte qu’ils émettent peu de gaz à effet de serre en concevant des moteurs moins consommateurs de carburants, en employant des matériaux composites dans la construction aéronautique ou en améliorant les performances aérodynamiques. Chaque nouvelle génération d’aéronefs permet en moyenne une économie de 15 à 20% de consommation de carburant et d’émissions de CO2.
En 2016, le Comité sur la protection de l’environnement en aviation (CAEP – Committee on Aviation Environmental Protection) a adopté une norme mondiale de certification des aéronefs pour leurs émissions de CO2 qui entrera en vigueur dès 2020 pour la conception de nouveaux aéronefs, et à partir de 2023 pour les aéronefs déjà en production.
Les constructeurs aéronautiques travaillent aujourd’hui sur l’utilisation de technologies et designs innovants (fuselage intégré, géométrie variable, propulsion hybride ou électrique) pour améliorer leurs performances environnementales. L’OACI doit réfléchir à la mise en place de certifications pour ces futurs aéronefs.
L’OACI réglemente également les émissions de particules fines non volatiles (nvPM) et les oxydes d’azote par les moteurs d’avion pour réduire l’impact de l’aviation sur la qualité de l’air.
Le développement de carburants alternatifs
La grande majorité des carburants utilisés actuellement dans l’aviation sont très polluants. L’OACI cherche à développer l’utilisation de carburants alternatifs qui émettent moins de C02, comme les biocarburants ou l’énergie solaire.
Les bio-carburants doivent cependant être durables : ils doivent générer moins d’émissions que le kérosène dans leur production comme dans leur utilisation, ne pas empiéter sur l’agriculture destinée à l’alimentation, ne pas entraîner de déforestation ou de surutilisation des sols et être viables économiquement. Six processus de conversion de carburants alternatifs sont aujourd’hui certifiés pour l’aviation.

- Affiche de la 2e Conférence sur l’aviation et les carburants alternatifs
Crédits : OACI
La 2e Conférence sur l’aviation et les carburants alternatifs (CAAF/2 – 2nd Conference on Aviation and Alternative Fuels) qui s’est tenue à Mexico en 2017 s’est conclue sur la signature d’un engagement "Vision 2050" de l’OACI sur ce domaine. Les travaux continuent afin d’accroître le rôle des biocarburants durables dans l’aviation civile.
En mai 2019 à Montréal, un séminaire sur les biocarburants aéronautiques durables a présenté des initiatives de plusieurs pays et des programmes d’assistance en partenariat avec l’Union Européenne pour inclure les pays en voie de développement. Les participants ont toutefois noté que le coût, encore trop élevé aujourd’hui par rapport au kérosène, demeure l’obstacle majeur à l’utilisation de ces carburants alternatifs.
L’ensemble des initiatives publiques ou privées pour le développement et le déploiement des carburants alternatifs pour l’aviation civile est listée par le Cadre mondial pour les carburants aéronautiques alternatifs (GFAAF – Global Framework for Aviation Alternative Fuels) de l’OACI.
Le CAEP estime que d’ici 2025, les carburants aéronautiques durables pourront représenter jusqu’à 2.6% de la consommation de carburants pour l’aviation.
Un mécanisme de marché mondial pour compenser les émissions de CO2 : CORSIA
La résolution A39-3 adoptée par l’OACI en 2016 a permis le développement d’un mécanisme de marché mondial pour compenser les émissions de CO2 supérieures au niveau des émissions de l’année 2020, le Régime de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA – Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation), inscrit dans l’objectif Croissance Neutre en Carbone pour 2020 (CNG2020). En juin 2018, la 214e session du Conseil a adopté la première édition des normes et pratiques recommandées (SARPs - Standards and Recommended Practices) liées au CORSIA dans le Volume IV de l’Annexe 16 de la Convention de Chicago.

- Logo du CORSIA
Crédits : OACI
Phases du CORSIA
Le mécanisme prévoit plusieurs phases de mise en œuvre, afin de tenir compte des capacités respectives des différents États dans le monde. Seuls les Etats volontaires participeront à la phase pilote de 2021 à 2023 et à la première phase du CORSIA de 2024 à 2026. A partir de 2027, le dispositif s’appliquera à tous les Etats, à l’exception des pays les moins développés, des petits Etats insulaires en développement et des Etats en développement sans littoral.
A partir de 2019, tous les Etats-membres de l’OACI doivent assurer le suivi, le compte-rendu et la vérification (MRV – Monitoring, Reporting and Verification) des émissions de CO2 pour les vols internationaux de leurs exploitants aériens. L’OACI offre pour cela un outil aux exploitants, appelé le CERT (Outil d’évaluation et de compte-rendu des émissions de CO2), mais d’autres méthodes sont acceptées. Les Etats qui souhaitent participer au CORSIA devront en plus vérifier tous les 3 ans qu’ils respectent les exigences de compensations du CORSIA.
Le CORSIA s’appliquant aux vols internationaux entre 2 pays parties au programme, plus le nombre de participants est élevé, plus le régime sera efficace.
Fonctionnement du mécanisme
Les quantités de CO2 à compenser sur une année sont calculées en fonction des émissions annuelles de l’exploitant, de la croissance du secteur et de l’exploitant. L’utilisation de carburants admissibles CORSIA est ensuite déduite par l’Etat qui indique à l’exploitant ce qu’il doit compenser pour une période de 3 ans. Le dispositif fonctionne à travers l’obligation d’achat, par les opérateurs aériens, d’unités d’émissions acquises auprès d’industriels engagés eux aussi dans une démarche de réduction avérée de leurs émissions carbonées. L’aviation civile internationale est le premier secteur à se doter d’un tel mécanisme à l’échelle mondiale.
Les unités d’émissions : critères d’éligibilité et organisme de vérification
Un Organisme consultatif technique (TAB – Technical Advisory Body) a été établi suite à la demande de la Résolution A39-3, pour formuler des recommandations au Conseil sur les unités d’émissions admissibles pour le CORSIA. Il se compose de 19 experts issus de différents Etats-membres de l’OACI.
Ces unités proviennent de projets et de programmes qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils doivent vérifier les critères d’éligibilité pour les unités d’émissions (EUC - Emission Unit Criteria) pour être admissibles au CORSIA. Après candidatures, le TAB analyse les projets et les recommande au Conseil s’ils adhèrent aux EUC. Une fois approuvées par le Conseil, les unités d’émissions éligibles seront visibles sur le site web du CORSIA pour que les opérateurs aériens puissent les acheter. L’achat d’une unité d’émissions entraîne son annulation.
Les exploitants aériens devront présenter à la fin de chaque phase un rapport de leurs annulations d’émissions à l’Etat dont ils dépendent, qui vérifiera et transmettra les informations à l’OACI.
Impact du CORSIA
Les 80 États volontaires qui participeront aux premières phases du CORSIA représentent d’ores et déjà près de 77% de l’activité aérienne internationale. Les 44 États de la Conférence européenne de l’aviation civile (CEAC) ont pris ensemble la décision de s’investir dès 2021, inscrite dans la Déclaration de Bratislava en 2016. Dès la seconde phase, les États inclus dans le CORSIA représenteront plus de 93% de l’activité aérienne internationale. Ce sont ainsi près de 80% des émissions de CO2 mondiales qui seront couvertes par le dispositif.

- La France et le Canada annoncent leur coopération sur l’assistance à la mise en œuvre du CORSIA, le 3 juillet 2018 à Montréal
Crédits : Délégation française à l’OACI
Assistance
Un programme d’assistance et de formation pour le CORSIA (ACT CORSIA – Assistance, Capacity building and Training for CORSIA) a été lancé par l’OACI pour aider certains pays à mettre en place le système de MRV. Les bureaux régionaux de l’OACI ont organisé des ateliers afin de préparer le déploiement des premières phases du CORSIA, et des partenariats de coopération ont été mis en place. La France s’est ainsi engagée dans 2 programmes de coopérations : l’un avec le Canada pour appuyer 17 pays d’Afrique, et l’autre avec le Canada et l’Espagne pour accompagner 7 pays membres de l’Organisation Arabe de l’Aviation Civile (ACAO).